Préparation de la 5ème période des CEE : Faut-il inclure les ventes d’énergies aux entreprises industrielles dans le calcul de l’obligation ?

MARCHÉ & RÉGLEMENTATION
  • Publié le : 16/12/2020
  • Rédigé par : Mahery


Les lignes directrices de la 5ème période du dispositif des Certificats d'Economies d'Energie (CEE), qui débute en janvier 2022, seront probablement connues sous peu et un sujet sera assurément scruté de près par de nombreux acteurs.
Il s’agit de la possibilité que les ventes d’énergies aux consommateurs finaux concernées par les CEE soient élargies à d’autres ventes que celles réalisées aux ménages et entreprises du secteur tertiaire.
Concrètement le niveau d’obligation pourrait être indexé sur les mises à la consommation sur les portefeuilles « particuliers & tertiaires
1. Une ambition pour la P5 : Etendre l’obligation
Pour définir le « bon » niveau d’obligation pour la P5 deux méthodes sont envisagées à ce jour. Suivant leur rôle dans le dispositif (Obligés d’un côté, Délégataires / Mandataires de l’autre en simplifiant) les acteurs ont tendance à soutenir la technique la plus alignée avec leurs intérêts.
  • Une méthode dite « ADEME » qui consiste à identifier les gisements potentiels d’économies d’énergies pour les années à venir, à y ajouter les bonifications et à établir 3 variantes (Basse, Médiane, Haute). Sur cette base de calcul on estime que le niveau d’obligation devrait représenter 120 à 140% de celui de la P4.
  • Une seconde méthode, dite « Stratégie Nationale Bas Carbone », consiste à s’efforcer de s’aligner sur les prescriptions de la SNBC qui vise la neutralité carbone pour 2050. Traduit en économies d’énergies à réaliser et appliqué au dispositif des CEE, ce mode de calcul implique un doublement (+100%) du niveau de l’obligation P5 par rapport à P4 avec environ 1000 TWhc / an.

Quelle que soit l’approche on comprend aisément que la pression est forte pour que l’obligation P5 soit nettement supérieure aux niveaux P4. Dans cette optique l’un des axes étudiés consiste à intégrer au calcul de l’assiette les ventes d’énergies qui ne sont pas comptabilisées aujourd’hui dans l’obligation. Au sein de cette catégorie on retrouvait alors les ventes de gaz naturel pour véhicules, les ventes aux entreprises industrielles, les ventes au secteur agricole, etc.

2. Intégrer les ventes d’énergie au portefeuille industriel, une question d’équité ?
Le dispositif des CEE vise fondamentalement la réduction de la consommation de toutes les énergies, quelles qu’elles soient. Pourquoi dans ce cas exclure l’industrie de « l’effort de guerre » ? Aujourd’hui ce secteur a plutôt tendance à tirer des bénéfices des CEE, en faisant financer des opérations d’efficacité énergétique (34 fiches d’opération standardisées Industrie) sans qu’une quote-part financière soit réintégrée dans leurs contrats de fourniture d’énergie.
Philosophiquement il semble qu’un déséquilibre existe, mais la méthode envisagée ne risque-t-elle pas, sous couvert d’équité, de créer une situation autrement plus défavorable pour l’industrie ?

3. 1er risque : Altérer la compétitivité de l’industrie française
Le dispositif des CEE, notamment sous cette forme, est une spécificité nationale. Cela veut dire que pour les industriels présents sur le sol français supporter une charge financière liée au Certificats d’Economies d’Energie reviendrait à créer un biais de concurrence par rapport aux acteurs internationaux. Dans le contexte actuel de volonté de « réindustrialiser » le territoire, cette décision serait assez malvenue.
A titre d’exemple, s’il on considère que pour le carburant 4032 kWh cumac d’économies d’énergie sont exigibles pour chaque m3 mis à la consommation (1) le coût des CEE s’élève à 58,04€M3 soit un delta de +5,8 cts d’€ pour l’énergéticien impacté par le dispositif.
La Direction Générale de l’Energie et du Climat (DGEC) étudie en ce moment une parade qui consisterait à exclure les industries soumises à concurrence internationale. Si l’application d’une telle mesure semble complexe, sa mise en œuvre permettrait néanmoins d’élargir l’assiette d’obligation de 9% (dont 7% pour le seul secteur Industrie).

"ACSIO énergie accompagne de nombreux industriels, du secteur de l’agroalimentaire par exemple, pour la mise en œuvre et le financement de leurs travaux d’efficacité énergétique. Dans ce domaine la production de froid, à titre d’illustration, peut atteindre jusqu’à 50% de la consommation électrique d’un site (2). On comprend donc aisément le biais de compétitivité que cela induirait de faire supporter l’impact des CEE aux seuls acteurs nationaux.
Nous savons que l’industrie dispose de nombreux leviers pour réduire sa consommation d’énergie, et nous encourageons tous les jours nos clients à s’engager dans cette voie vertueuse. Pour autant nous estimons que cela doit permettre aux industriels français de réduire leurs coûts, d’accroître leur efficacité, mais en aucun cas altérer leur capacité commerciale vis-à-vis des acteurs internationaux."

Clément Moreau - Directeur Général ACSIO Energie

4. Deuxième : Impacter négativement les Obligés positionnés hors tertiaire
Pour certains secteurs industriels la consommation d’énergie représente des coûts réellement impactant ; on parle ainsi de 22 % des charges de production directes des exploitations de cultures sous serres chauffées. De fait les contrats d’approvisionnement d’énergie sont établis sur des période longues et à des conditions de prix préétablies. Les objectifs de l’industriel sont à la fois de tirer ses coûts de production vers le bas mais également d’obtenir de la visibilité en s’affranchissant tant que faire se peut des évolutions de tarifs.
Alors qu’un pétrolier peut, par exemple, répercuter directement le coût des CEE sur les prix à la pompe, l’obligé positionné sur le secteur « Industrie » ne sera pas en mesure de modifier du jour au lendemain les conditions contractuelles convenues avec ses clients. Cela veut-il dire qu’il doit, à la différence de ses concurrents B2C, absorber la charge financière liée aux CEE ? Il semble nécessaire, a minima, de définir alors une date d’échéance pour ne pas mettre en risque les fournisseurs d’énergie pour leurs contrats de vente d’énergie existant.

"Gazel Energie Solutions est un des principaux fournisseurs d’électricité et de gaz aux industriels. Nous encourageons nos clients à utiliser le mécanisme des CEE afin de développer des projets d’efficacité énergétique et nous suivons de près l’initiative d’inclure les ventes d’énergie aux entreprises industrielles dans le calcul de l’obligation.
La répercussion du coût des CEE dans le prix de l’énergie ne sera sans doute pas sans difficultés, notamment pour les volumes déjà contractualisés (2022-2023) où nos clients industriels ont déjà finalisé leurs budgets énergie. De plus, ces industriels ont pour la plupart beaucoup souffert et souffrent encore de la crise COVID, une surcharge de leur budget énergie pourra être lourde de conséquences. C’est la raison pour laquelle, si elle est appliquée, une entrée en vigueur de cette mesure au plus tôt en 2024, parait être une solution sensée.
De plus, l’idée de n’obliger que les industries non soumises à concurrence internationale est pleine de sens, mais il faudra être particulièrement vigilant, certaines industries n’étant pas directement en concurrence internationale mais plutôt indirectement de par leurs relations contractuelles avec des fournisseurs ou les clients qui eux le sont directement." 

Pierre-Jean Delhoume -  Responsable Services Energétiques Gazel Energie


5. Anticiper l’impacts des évolutions réglementaires pour aborder sereinement la P5c
Pour anticiper au mieux les évolutions réglementaires et aborder sereinement la 5ème période, DEKKHA Consulting recommande la mise en œuvre des actions suivantes :
1. Etudier précisément les textes réglementaires afin d’en appréhender les détails.
2. Evaluer l’impact réel de la réglementation pour mon organisation (Obligés en 1er lieu, mais également autres acteurs du dispositif des CEE en lien avec le secteur industriel).
3. Etablir un plan d’action et un planning de mise en œuvre détaillé.
4. Mener les actions et piloter l’avancement / le progrès.
DEKKHA Consulting dispose des connaissances sectorielles, réglementaires et méthodologiques pour vous accompagner à la fois sur la définition de la stratégie mais également sur sa mise en œuvre opérationnelle. Nous serons en mesure d’établir les activités pertinentes à implémenter et à vous accompagner pour permettre à votre organisation de faire face aux défis à venir.

(1) Article R221-4 du Code de l’énergie modifié
(2) Maîtrise-energie-dans-froid-industriel-8857-extrait.pdf (ademe.fr)

Le financement de vos travaux d'Économies d'Énergie peut être coûteux alors pourquoi se priver des CEE ?

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